”Maintenant, nous marchons sur des coquilles, des coquilles comme jamais nous n’avions vu. Pendant des kilomètres, ce sont de grands bénitiers d’église, rangés par zones ou entassés au gré du flot rouleur ; ensuite, d’énormes strombes leur succèdent, des strombes qui ressemblent à de larges mains ouvertes, d’un rose de porcelaine ; puis viennent des jonchées ou des monceaux de turritelles géantes, et la plage, alors toute de nacre blanche, miroite magnifiquement sous le soleil. Prodigieux amas de vies silencieuses et lentes, qui ont été rejetées là après avoir travaillé des siècles à sécréter l’inutilité de ces formes et de ces couleurs…On trouve aussi les cônes, les porcelaines, les rochers, les harpes, toutes les variétés les plus délicatement peintes et les plus bizarrement contournées, la plupart servant de logis à des bernard-l’ermite et courant à toutes petites jambes quand on veut les toucher. Et çà et là, de gros blocs de corail font des taches rouges parmi ces étalages multicolores ou nacrés.“
Pierre Loti, Le désert, 1895